Animal & Sciences

précédentsuivant

La Physiognomonie zoomorphique

Comparaison avec le bœuf chez Lebrun
L'art de connaître les ... Afficher la suite de la légende

Comparaison avec le bœuf chez Lebrun
L'art de connaître les hommes par la physionomie / Gaspard Lavater.- Nouv. éd.- Paris : Depélafol, 1820 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Jm 46-9)
 

Comparaison avec le lion
L'art de connaître les hommes par la physionomie / Gaspard Lavater.- Nouv. éd.- Paris : Depélafol, 1820 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Jm 46-9)


Comparaison avec l’aigle chez Lebrun
L'art de connaître les hommes par la physionomie / Gaspard Lavater.- Nouv. éd.- Paris : Depélafol, 1820 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Jm 46-9)


Comparaison avec le chameau chez Lebrun
L'art de connaître les hommes par la physionomie / Gaspard Lavater.- Nouv. éd.- Paris : Depélafol, 1820 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Jm 46-9)


Figure humaine comparée avec celle du loup : dessins de Charles Lebrun, commentaires de Giambattista Della Porta et Gaspard Lavater.
L'art de connaître les hommes par la physionomie / Gaspard Lavater.- Nouv. éd.- Paris : Depélafol, 1820 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Jm 46-9)



 

Parcours standard

La physiognomonie est une méthode qui prétend reconnaître les sentiments et les émotions d'un homme ou d'une femme par l'observation de son apparence physique et des traits de son visage.

Au XVIe siècle, elle s'inspirait d'une double tradition, venue du Moyen Âge arabe et de l'Antiquité classique. Le legs médiéval arabe privilégiait une approche divinatoire censée reconnaître la destinée des gens à partir des marques que laisseraient les astres sur le front (métoposcopie). L'héritage antique s'intéressait pour sa part davantage à l'analogie animale. Un traité intitulé Physiognomonica, attribué à Aristote et traduit en latin au XIIIe siècle, développait l'idée que le rapprochement du visage d'un être humain avec une figure du monde animal permettait de lire son âme. Cette conviction se fondait sur ce qu'on pourrait appeler le « syllogisme physiognomonique ». Par exemple, le bœuf est, dans l'imaginaire collectif, un animal paresseux, qui a de grands yeux et un nez épais. Tout individu pourvu d'un nez épais et de grands yeux, faisant penser à un bœuf, sera donc, lui aussi, forcément paresseux.

Dans l'Historia de Animales y Phisiognomonia (1591) du médecin espagnol Luis Fernandez, l'étude zoologique précède le traité de physiognomonie proprement dite pour mieux mettre en évidence les marques de tempérament que « l'animal porte dans son corps à l'état brut, non corrigé par la raison ». Les ressemblances physiques entre un homme et tel membre du bestiaire révèlent ensuite des tendances qui domineraient cette personne pour peu qu'elle s'abandonnât à ses instincts. L'influence de cette « physiognomonie naturelle » se retrouve aussi et surtout dans l'oeuvre de Giovanni Battista Della Porta, dont la physiognomonie humaine (De humana physiognomonia, 1586) revendique toujours l'intérêt de l'analogie zoomorphique : « n'est-il pas vrai que l'homme [...] rassemble et résume les complexions et caractères des différentes espèces animales, qu'il est le condensé de toute la création ». Tout en s'éloignant de la tradition astrologique issue du Moyen Âge arabe, Della Porta reste fidèle à une perception du corps gouverné par les analogies et les sympathies, elles-mêmes déterminées par une codification plutôt conventionnelle des tempéraments animaux (le lion « hardi », le lièvre craintif, le corbeau austère, la tourterelle pieuse, le chien avare, etc.). Le corps, quoique affranchi des étoiles, est ainsi toujours soumis à l'univers naturel, intégré dans un système de signes où le visible renvoie à l'invisible, l'homme extérieur à l'homme intérieur, par la similitude animale.

Le traité de Della Porta, maintes fois réédité et traduit dans toute l'Europe, connut un immense succès et ses illustrations ont souvent été reproduites. Cette physiognomonie zoologique fut remise au goût du jour à la fin du XVIIe siècle par le peintre Charles Lebrun. Ce dernier reprend la théorie analogique en y intégrant une méthode de démonstration géométrique supposée traduire le degré de courage, de timidité, d'intelligence ou de bêtise de l'animal en question, et donc de l'être humain qui s'en rapproche par la forme de son visage (Conférence sur la physiognomonie, 1671). 

Sébastien Jahan

Bibliographie :

Baltrusaitis (Jurgis), Les perspectives dépravées 1. Aberrations, 1957, réed Flammarion, Champs, 2008
 
Courtine (Jean-Jacques), Haroche (Claudine), Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions (XVIe-début XIXe siècles), Paris, Payot et Rivages, 1994