Les drapeaux constituent depuis le début de leur utilisation, dès l'Antiquité, un moyen parmi d'autres de communication entre individus. Les couleurs et les figures qui les composent sont porteuses d'un message adressé à l'autre. Parmi ces figures, les animaux tiennent une bonne part. Chargés d'imaginaire et de symbolisme, ils affirment la conduite légitime de leur porteur, la justesse de son entreprise guerrière.
Suit un échantillon de drapeaux français qui sont dotés d'animaux. Ils datent de 1557 et 1558 et ont été capturés par les Espagnols lors de deux batailles, Saint-Quentin et Gravelines. Ils sont tirés d'un recueil conservé à la Bibliothèque du Musée de l'Armée aux Invalides à Paris (Dr DRA A1J5, 1er volume (inventaire 10847), fol. 1 à 95).
Le Lion et le serpent
Le drapeau 112 (fol. 57) est un guidon, c'est-à-dire qu'il appartient à un aristocrate. Au centre l'on peut voir la Vierge à l'enfant entourée de flammes qui irradient autour d'elle, ainsi que des monogrammes (ici deux M entrecroisés pour Marie). Après une bande contenant des trophées d'armes et armures à l'antique, est représenté un lion d'or serrant de ses griffes un serpent vert. Le lion revêt la force et la victoire ; il est le symbole christique de la résurrection (son souffle ferait revivre les lionceaux mort-nés). Le serpent quant à lui est dans l'imaginaire chrétien l'incarnation du mal et du démon : il est le tentateur d'Adam et Ève et le responsable de la chute de l'humanité. Le lion-christ terrasse le serpent-démon en délivrant l'homme du péché originel. La correspondance entre la Vierge et le lion n'est pas un hasard car cette première est souvent représentée piétinant le serpent, signifiant ainsi la défaite du péché.
Le Cheval ailé
Le drapeau 120 (fol 65) est un étendard, c'est-à-dire qu'il appartient comme le guidon à un aristocrate. Au centre, on trouve sainte Barbe près d'une tour avec trois sentences en latin « Virtus et encis » (« courage et épée »). Dans le coin gauche, pour le spectateur, est figuré un cavalier ailé surmontant un cheval blanc également ailé (une paire d'ailes est peinte sur son buste). Le cheval incarne une force positive de vitalité, de virilité et de victoire, et le blanc signifie alors la pureté de conscience : la figure du justicier, le chevalier blanc, est donc celui qui mène un combat juste et légitime. Selon l'histoire sainte, sainte Barbe aurait vécu au IIIe siècle ap. J-C, à Héliopolis (actuel Liban). Son père païen l'aurait enfermée dans une tour pour la soustraire à l'influence chrétienne grandissante. Malgré ces précautions, Barbe fut touchée par la foi et se convertit. Le cheval blanc ailé incarne cette victoire.
L'Agneau
Le drapeau 138 est un étendard (fol 83). Au centre, se détache clairement saint Jean-Baptiste, entouré de deux sentences identiques en latin « Fata viam invenient in manibus tuis sortes me » (« Dieu trouvera un chemin, mon destin est entre ses mains »). Il soutient de sa main droite un agneau blanc. Ce dernier est le symbole de Jésus-Christ. Il peut porter, et c'est le cas ici, l'étendard de la résurrection. L'agneau est également l'attribut de saint Jean-Baptiste en raison de la célèbre scène où, voyant Jésus-Christ venir à lui, il déclare : « Voici l'agneau de Dieu » (Jean, I, 29).
Le Dragon
Le drapeau 149 (fol 89) est une cornette de cavalerie. Comme son nom l'indique il appartient à une unité montée. Couvrant tout le champ de l'enseigne, un dragon d'or sur fond noir est représenté. Ailé et cabré sur ses pattes arrières, toutes griffes dehors, il souffle de sa gueule des flammes que l'on retrouve ailleurs dans le drapeau. Dans un cartouche rouge au-dessous est inscrite la sentence « IE TE TIENDRAY » (« je te tiendrai »). Le dragon est un animal imaginaire ambivalent. En effet, bien que figure satanique pour le christianisme (le dragon est associé au diable), il peut également apparaître comme un gardien positif qui de sa puissance écarte et effraye les méchants.
Adrien Meunier
Bibliographie :
Pastoureau (Michel), Traité d'héraldique, Paris, Picard, 1979
Impelluso (Lucia), La Nature et ses symboles, Paris, Hazan, 2004