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Mélusine

Raimondin découvrant le secret de Mélusine (XVe siècle)Afficher la suite de la légende

Raimondin découvrant le secret de Mélusine (XVe siècle)
Coudrette, Le Roman de Mélusine, XVe siècle (Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 24383, fol. 19 - Photographie BnF-Mandragore)


Mélusine quittant Lusignan et Mélusine allaitant Thierry et Raimonnet (XVe siècle)
Coudrette, Le Roman de Mélusine (Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 24383, fol. 30 - Photographie BnF-Mandragore)


Mélusine allaitant Thierry (XVe siècle)
Coudrette, Le Roman de Mélusine (Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 12575, fol. 89 - Photographie BnF-Mandragore)


Ouvrage de littérature de colportage de la « Bibliothèque bleue ».
L'Histoire de Mélusine, nouvellement imprimée et corrigée [de Jehan d'Arras]. - Troyes : Jacques Oudot, 1699 (Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand, CM 34)


Mélusine, mi-femme, mi-serpente
[Melusine] Histoire de Mélusine, tirée des chroniques de Poitou, et qui sert d'origine à l'ancienne maison de Lusignan / Fr. Nodot. - Paris : Claude Barbin et Thomas Moette, 1698 (Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand, DP 822- Photographie Olivier Neuillé)

Mélusine, mi-femme, mi-serpente, fait onduler sa queue écailleuse dans son bain. Ici, le voyeur n’est pas son mari, mais le spectateur. En arrière plan on voit Mélusine survolant le château de Mervent, représentée sous forme d’un monstre n’ayant plus rien avoir avec la magnifique femme du bain.


Mélusine au bain
[Melusine] S'ensuyt ung beau livre en françoys nommé Mélusine. Qui fut fille au roy Helinas et femme à Raymondin duquel elle eut huyt filz. Dont vous sera faict mention de leurs proesses au présent livre / Jean d’Arras. – Lyon : Olivier Arnoullet, [15..] (Poitiers, Médiathèque François-Mitterrand, DP 1141 - Photographie Olivier Neuillé)

À travers le mur d’un château nous aperçevons Mélusine au bain, femme de la tête au nombril et serpente jusqu’au pied. De ses mains elle tente de cacher sa nudité comme si elle savait que son mari, Raimondin, était en train de l’observer par un trou qu’il a creusé dans la porte. Sur la gauche, le cavalier qui s’éloigne de la scène semble être le frère de Raimondin, qui a poussé ce dernier à observer sa femme alors qu’elle le lui avait interdit.


Mélusine quittant Lusignan (XVe siècle)
Coudrette, Le Roman de Mélusine (Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 12575, fol. 86 - Photographie BnF-Mandragore)


Une femme serpent en compagnie d’un chevalier
Rationale divinorum officiorum… / Guillaume Durand. – Lyon : Constantin Fradin, Antoine Blanchard, 1525 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 1316)

Peut-être s’agit-il d’une évocation de Mélusine…

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Mélusine, personnage légendaire de la mythologie du Poitou, est l’ancêtre célèbre de la famille des Lusignan. Dame-fée, elle est l’héroïne de deux romans généalogiques écrits à la fin du XIVe siècle : La Noble Histoire de Lusignan (1393) rédigée par Jean d’Arras et Le Roman de Mélusine (entre 1401 et 1405) composé par le poète Coudrette. Toutefois, l’origine de ce personnage féerique plonge ses racines dans les récits oraux issus des mythologies païennes. Récupérées par la littérature ecclésiastique, les fées ont alors été diabolisées et utilisées dans les exempla (XIIe siècle) à des fins moralisatrices.

La double identité de Mélusine, mi-femme, mi-serpent, évoque la dualité de sa nature à la fois humaine et surnaturelle. Par sa queue serpentine, la fée du Poitou véhicule les symboles attachés au serpent qui, dans les mentalités médiévales, représente le mal, le diable et le péché originel. Sa métamorphose en femme-serpent implique le déclin de l’homme vers l’animal et ainsi la notion de « devenir-animal ». Dans la conception médiévale du monde, Dieu a créé l’homme à son image et l’a désigné comme maître incontesté de toutes les espèces. Avec le péché originel l’homme a été éloigné de sa ressemblance avec son créateur ; depuis, l’humanité se situe potentiellement entre Dieu et l’animal, spiritualité et matérialité. Par sa nature mi-femme, mi-serpente, Mélusine est un être hybride qui outrepasse les catégories de son époque. En effet, l’hybridation – qui suggère l’animalité – évoque une déchéance car elle brise le tabou de l’ordre voulu par Dieu. Aussi, la fée du Poitou est un être ambivalent au carrefour de plusieurs mondes humain, animal et surnaturel.

Néanmoins, son statut de grande dame belle, pieuse, maternelle, à la tête d’une importante et puissante famille, fait d’elle un être bon ancré dans la société et répondant aux attentes de son époque. Son image est donc extrêmement ambiguë. Elle est un être hybride qui oscille entre humanité et animalité, ce qui finalement fait d’elle un personnage neutre se rapprochant plus de l’humain que du diable. Ainsi, bien qu’elle soit repoussante par son aspect animal, Mélusine incarne les désirs et les tabous de la société médiévale qui est captivée par son histoire et son statut d’être hybride. Sa revendication comme ancêtre mythique par Jean duc de Berry, au XIVe siècle, reste le témoin le plus flagrant de la fascination que pouvait susciter Mélusine dans l’imaginaire médiéval.

Exempla : Court récit à vocation morale, présenté comme véridique et arrivé dans un temps récent.

Mélusine, personnage légendaire de la mythologie du Poitou, est l’ancêtre de la famille des Lusignan. Dame-fée, elle est l’héroïne de deux romans généalogiques écrits à la fin du XIVe siècle, dont Le Roman de Mélusine (écrit entre 1401 et 1405) composé par le poète Coudrette. Toutefois, l’origine de ce personnage féerique plonge ses racines dans les récits oraux issus des mythologies païennes.

La double identité de Mélusine, mi-femme, mi-serpent, évoque sa double nature, à la fois humaine et surnaturelle. Par sa queue de serpent, la fée du Poitou véhicule les symboles attachés à cet animal dans les mentalités médiévales : le mal, le diable et le péché originel.

Sa métamorphose en femme-serpent implique le déclin de l’homme vers l’animal. Dans la conception médiévale du monde, Dieu a créé l’homme à son image et l’a désigné comme maître de toutes les espèces. Avec le péché originel, l’homme s’est éloigné de son créateur et se situe entre spiritualité et matérialité.

Par sa nature mi-femme, mi-serpent, Mélusine est un être hybride. L’hybridation suggère l’animalité, évoque une déchéance, brise l’ordre voulu par Dieu (l’homme maître de toutes les espèces). Aussi, la fée du Poitou est-elle un être ambivalent au carrefour de plusieurs mondes : humain, animal et surnaturel. Par sa nature hybride, elle est finalement un personnage neutre se rapprochant plus de l’humain que du diable.

Pourtant avec son statut de grande dame belle, pieuse, maternelle, à la tête d’une importante et puissante famille, elle est aussi un être ancré dans la société et son époque. Elle est un être hybride qui oscille entre humanité et animalité, ce qui fait d’elle finalement un personnage neutre se rapprochant plus de l’humain que du diable.

Ainsi, bien qu’elle soit repoussante par son aspect animal, Mélusine suscite-t-elle de la fascination dans l’imaginaire médiéval.

Hybride : être mi-homme mi-animal ou ayant des caractéristiques de plusieurs animaux différents

Païen : non chrétien

Aude-Lise Barraud

Bibliographie :

Sources

Arras (Jean d’), Mélusine ou la noble histoire de Lusignan, Paris, Librairie générale française, 2003 (« collection Lettres gothiques »)

Coudrette, Le roman de Mélusine, Paris, Flammarion, 1993

Ouvrages spécialisés

Barraud (Aude-Lise), Une Mélusine hybride : Etude du manuscrit français 24383 de la Bibliothèque nationale Française, Mémoire de Master 1 sous la direction de Cécile Voyer, Bordeaux, 2010

Clier-Colombani (Françoise), La Fée Mélusine au Moyen-âge, Images, mythes et symboles, Paris, Le Léopard d'or, 199

Harf-Lancner (Laurence), Les Fées au Moyen Âge, Morgane et Mélusine ou la naissance des fées, Paris, Librairie Honoré Champion, 1984

Harf-Lancner (Laurence), Métamorphose et bestiaire au Moyen Âge, Paris, Editions de l’école nationale de jeune fille, 1985 (« La librairie du XXIe siècle »)

Le Goff (Jacques), Le Roy Ladurie (Emmanuel), « Mélusine maternelle et défricheuse », dans Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, n°3-4, 1971, p. 587-622

Le Goff (Jacques), L’imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, 1985

Bouloumie (Arlette) (dir.), Mélusine moderne et contemporaine, Angers, l'Age d'Homme, 2001

Lecouteux (Claude), Mélusine et le chevalier au cygne, Paris, Imago, 2nde éd., 1997