Retour à la Galerie

Les animaux et la justice

1

Enseigne du tribunal de Saint Jacob, 1313
Mantoue, Palais de la Ragione (Pho... Afficher la suite de la légende

1

Enseigne du tribunal de Saint Jacob, 1313
Mantoue, Palais de la Ragione (Photographie Matteo Ferrari)

2

Enseigne du tribunal de la Regina Leona, dernier quart du XIIIe siècle ( ?)
Vérone, Palais de la Ragione (Photographie Matteo Ferrari)

3

Enseigne du tribunal du bœuf, première moitié du XIVe siècle
Milano, Palais du Broletto (Photographie Matteo Ferrari)

4

Enseignes des tribunaux, après 1420
Padoue, Palais de la Ragione (Photographie Matteo Ferrari)

Parcours standard

Le lien entre figurations d’animaux et lieux réservés à l’administration de la justice a des racines anciennes. Dans la Bible, le trône de Salomon, le juge équitable par excellence, était flanqué de deux lions, tandis que douze autres étaient situés tout au long de l’escalier qui y conduisait (Rois, I, 10, 18-20). Symbole traditionnel du pouvoir, la bête était une présence adaptée aux sièges des autorités qui étaient pourvues d’un pouvoir à la fois politique et juridique.

Pendant le Moyen Âge l’interprétation moralisée des animaux exalte le lion pour sa clémence et le transforme en une présence habituelle des lieux de justice. Ainsi, spécialement en France et en Italie, à l’âge roman, les débats judiciaires advenaient fréquemment sur le parvis des églises entre les lions de pierre qui en surveillaient les portails (« inter leones »).

Toutefois, dès la seconde moitié du XIIIe siècle, dans les Communes italiennes, le rapport entre animaux et justice se resserre de façon inédite. Nées entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle, les Communes étaient des structures de gouvernement local dirigées par des magistratures temporaires et électives et par des assemblées qui réunissaient une grande partie de la population. Vers la fin du XIIIe siècle les Communes monopolisèrent l’administration de toutes les affaires judiciaires pour la ville et pour le territoire qu’elle contrôlait. Cette fonction était généralement confiée à plusieurs tribunaux, dont chacun délibérait en une matière spécifique (civile, pénale, fiscale etc.) ou, en alternative, étendait sa juridiction sur un seul quartier de la ville.

Puisque les juges travaillaient simultanément et dans le même endroit (le porche ou la salle des palais publics), on décida de peindre des enseignes au-dessus de leurs bancs pour aider les citoyens à identifier le tribunal auquel ils devaient s’adresser. Il arriva ainsi que le tribunal prît le nom de la figure qui l’indiquait. À partir des années 1270-1280 le système fut adopté par de nombreuses villes, comme Padoue, Bologne, Côme et Mantoue, mais il se répandit rapidement dans la plupart des chefs-lieux de la Plaine du Pô. Peu d’enseignes ont survécu. Parmi d’autres, à Milan on conserve l’enseigne du juge du bœuf, tandis que dans les Palais de la Ragione de Padoue on voit la série des peintures renouvelées après l’incendie de 1420. Ces rares vestiges et les chartes d’archives démontrent, en effet, que plus de 80% des enseignes présentaient des figures animales : lion (12%), aigle (11%), bœuf et cheval (9%), ours (8%), griffon et cerf (6%), et ainsi de suite. Dans d’autres cas, les panneaux pouvaient montrer des figures de saints (Mantoue) ou même d’êtres monstrueux (Vérone).  

Toutefois, cette prédilection pour les animaux ne présente aucune valeur symbolique. En revanche, ces images avaient clairement une fonction mnémotechnique, en répondant à l’exigence de créer des séries qui pouvaient être facilement augmentées tout en restant aisément identifiables.

Matteo Ferrari

Bibliographie :

Ferrari (Matteo), « Héraldique et organisation de l’espace dans les Communes de l’Italie du nord : les enseignes des tribunaux », dans Estudos de Heráldica Medieval, éd. M. de Lurdes Rosa, M. Metelo de Seixas, Lisbonne, Instituto de Estudos Medievais / Universidade Nova de Lisboa (à paraître)

Froimoviĉ (Eva), « Giotto’s allegories of justice and the commune in the Palazzo della Ragione in Padua : a reconstruction », dans Journal of Warburg and Courtauld Institutes, vol. 59, 1996, p. 24-47

Jacob (Robert), Images de la justice, Paris, Le Léopard d’Or, 1994

Russell (Robert Douglass), Vox civitatis : aspects of thirteenth-century communal architecture in Lombardy, Ann Arbor, Princeton University, 1989