Le Mythe

Le monstre, dont le nom signifie serpent d'eau en grec, vivait près d'Argos, dans les marais de Lerne. Il était pourvu d'un corps reptilien, voire canin, et possédait jusqu'à dix mille têtes, dont une immortelle. Elles repoussaient, éventuellement en double, au fur et à mesure qu'on les supprimait. Le souffle, l'odeur de l'animal suffisaient à tuer.

Conseillé par Athéna, aidé par son neveu Iolaos, Héraclès, Hercule pour les Romains, triompha de la bête lors du deuxième de ses Douze Travaux : la cautérisation des plaies empêchait la régénération. La tête immortelle fut enterrée sous un rocher.

Trempant ses flèches dans les entrailles encore fumantes, le héros en fit des armes redoutables pour tout être vivant, y compris lui-même. Par contact, voire simple proximité, les cibles, avant de périr, empoisonnaient même les cours d'eau.

La Règle : l'Hydre, un animal maléfique

Dans les marques les plus anciennes, l'Hydre, ailée, ressemble aux dragons, images de Satan. Elle est souvent pourvue de sept chefs. Le vice, nous dit l'Iconologie de Cesare Ripa, est « figuré par un Hydre à sept têtes, symbole des sept péchés mortels ». La fille de Typhon et d'Échidna apparaît également à la rubrique « Envie », « car comme ce monstrueux animal aime naturellement à infecter de son venin tous ceux qui l'approchent ; l'envieux de même par une secrète contagion se plaît à perdre les gens de bien, sans épargner ses plus proches, ni ceux dont il fait semblant d'être ami ».

Du Mal, sans cesse renaissant, des vices, de l'envie, des passions, doit triompher la virtus (vertu, valeur, courage), évoquée par nombre de devises et incarnée par Héraclès.

L'animal symbolise plus largement toutes les difficultés rencontrées et notamment, peut-on penser, celles que doit affronter l'imprimeur-libraire, nouvel Hercule. Le mot labor (« travail ») présent dans la devise de Jean Mariette et de Guillaume Faber (dont le nom signifie en latin « ouvrier, artisan » ou « ingénieux, fait avec art ») suggère ce rapprochement. À côté d'Athéna, déesse présidant aux lettres et aux arts, se dresse un rocher aux initiales de Bernardo Paperini (celui sous lequel a été enterrée la tête immortelle ?).

Figurée avec la flamme, l'Hydre, sans Hercule, devient chez Stefano Paolini l'image du mensonge, de la fausseté, de l'hypocrisie face au flambeau de la vérité, ce qui n'est pas sans rappeler l'emblème d'Alciat consacré à la feinte religion, même si dans ce denier cas il s'agit de la Bête mentionnée par l'Apocalypse, celle montée par Babylone, la grande prostituée.

L'Exception : l'Hydre, le renouveau positif

Pour Girolamo Bartoli, ses héritiers et Guillaume de La Nouaille ou de la Novaille (son nom dériverait du latin novalia : « terres nouvellement défrichées »), l'Hydre, qui iconographiquement n'a rien perdu de son caractère terrifiant, incarne cette fameuse virtus : comme les têtes du monstre, elle s'affirme avec d'autant plus de force qu'elle est contrariée.

Simple message d'espoir, mise en garde contre ceux qui oseraient s'en prendre à l'imprimeur-libraire (l'animal aurait alors une fonction apotropaïque, censée prémunir du danger) ou/et allusion à des oppressions bien précises ?

Selon Alfred Leroux (Histoire de la Réforme dans la Marche et le Limousin), de La Nouaille, probablement actif de 1531 à 1560, était protestant. Son hydre aux treize têtes, sept surgissant de la blessure, tient un globe avec un tau entre ses serres : une façon d'exprimer sa confiance dans l'avènement de la religion réformée ?

Bibliographie :

Symbolique
 
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Cazenave (Michel) (dir.), Encyclopédie des symboles, Paris, Librairie générale française, 1996
 
Corrozet (Gilles), L'Hécatongraphie (1544) & Les emblèmes du "Tableau de Cebes" (1543), Reprod. en facsim. avec une étude critique par Alison Adams, Genève, Droz, 1997
 
Oesterreicher-Mollwo (Marianne), Dictionnaire des symboles, traduit et mis à jour par Michèle Broze et Philippe Talon, Turnhout, Brepols, 1992
 
Ripa (Cesare), Baudouin (I.), Iconologie ou, Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes, et autres figures..., Paris, Mathieu Guillemot, 1644
 
Tervarent (Guy de), Attributs et symboles dans l'art profane, 1450-1600 : dictionnaire d'un langage perdu, Genève, Droz, 1958-1959

 Mythologie
 
Chuvin (Pierre), La mythologie grecque : du premier homme à l'apothéose d'Héraclès, Paris, Flammarion, 1998
 
Graves (Robert), Les mythes grecs, trad. de l'anglais par Mounir Hafez, Paris, Fayard, 1967
 
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Howatson (Margaret C.) (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité : mythologie, littérature, civilisation, Paris, Robert Laffont, 1993
 
Lavedan (Pierre), Dictionnaire illustré de la mythologie et des antiquités grecques et romaines, Paris, Hachette, 1964
 
Schmidt (Joël), Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, 1998
 
Iconographie
 
Aghion (Irène), Barbillon (Claire), Lissarrague (François), Héros et dieux de l'Antiquité : guide iconographique, Paris, Flammarion, 2008
 
Guédron (Martial) (dir.), Monstres, merveilles et créatures fantastiques, Paris, Hazan, 2011.
 
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