Animal & Sciences

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Du loup au monstre

Un loup
Histoire naturelle… / Georges-Louis Leclerc de Buffon... &nda... Afficher la suite de la légende

Un loup
Histoire naturelle… / Georges-Louis Leclerc de Buffon... – Paris : Imprimerie Royale, 1769 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Méd. 2207-07)

La magie naturelle de Giambattista Della Porta
Magiae naturalis… libri IIII / Giambattista Della Porta. – Lyon : Guillaume Rouillé, 1561 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 358)

Passage de la version latine de la Magie naturelle qui évoque le loup.

Parcours standard

La Magie naturelle de Della Porta offre au mage la possibilité de comprendre les merveilles que produit la nature. Parmi ces merveilles, les animaux ont un rôle important. Ils ont des vertus dont les origines peuvent être parfois obscures mais ce sont ces propriétés qui régissent les relations qui existent entre les animaux, leur environnement et les hommes. Ainsi, la thématique des affinités ou sympathies et des aversions ou antipathies naturelles est reprise par l’auteur. Ce sont des liens dits d’amitié ou de haine : les brebis craignent les loups, tout comme les hommes d’ailleurs. En effet le regard du loup est dommageable à l’homme. L’auteur reprend les idées de Platon selon lesquelles « en Italie, on croit que la vue des loups est maléfique. S’ils regardent un homme avant d’être vus, celui-ci perd momentanément sa voix » (République, 336d). Le loup est privatif, la peur qu’il provoque nuit à l’homme qui, privé de voix, apparaît comme sa victime. Le regard est important, il conditionne les rapports, il concentre les vertus de l’animal provoquant ainsi engourdissement et aphonie. Della Porta écrit qu’il existe « plusieurs animaux qui opèrent selon leurs parties » (Livre I, chap. 13). Pour le loup, ce sont ses yeux qui sont à craindre car ce sont eux qui opèrent. Autrement dit, il a le mauvais œil.

De son vivant, les yeux du loup concentrent les vertus de l’animal. Mais l’auteur explique également que, même après la mort de l’animal, sa dépouille garde ses propriétés. Le loup, même mort, est effrayant. Ainsi, une peau d’agneau placée face à une peau de loup perdra ses poils. Le maintien de cette vitalité dans le corps mort du loup est essentiel pour le mage qui peut alors utiliser ces propriétés. Par exemple « celui qui portera avec luy l’œil d’un loup [...] ne sera veu à regret » (Livre I, chap. 14). Le mage n’est donc pas seulement un observateur des merveilles de la nature, il cherche à les reproduire, à en user.

Le mage peut devenir à son tour un créateur de merveilles. Della Porta explique par exemple comment créer des monstres. Le monstre est un « animal meslé de plusieurs especes », c’est un être hybride (Livre 2, chap. 24). Sa conception du monstre est issue de l’imaginaire et de la mythologie gréco-latine. Ainsi, comme le montre Aristote, la bête appelée Crocura est mi-loup mi-chien. Ce chapitre sur la création des monstres rapproche Della Porta de la magie noire, bien loin de la magie naturelle dite aussi magie blanche ou « suprême science ».

Dans La Magie naturelle, le loup est un animal terrifiant aussi bien vivant que mort. Cependant il n’est pas l’image de la voracité, de la cruauté, de la luxure ou au contraire de la bravoure et de la ruse. Il n’est pas non plus le symbole du Mal, du péché ou du pécheur. Della Porta se distingue de cette manière des écrits anciens en ayant un regard plus scientifique sur les merveilles de la nature sans pour autant désenchanter le monde qui l’entoure.

Laurine Poinot