Animal & Sciences

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La Magie naturelle de Giambattista Della Porta

Un poisson corail
Principales merveilles de la nature... / Louis de Mailly. ... Afficher la suite de la légende

Un poisson corail
Principales merveilles de la nature... / Louis de Mailly. – Amsterdam : Paul Marret, 1726 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, FAP 4618)

La Magie Naturelle de Della Porta associe l’héritage médiéval si cher à l’auteur aux nouvelles démarches scientifiques. Mais le XVIIe siècle marque la séparation entre la raison et la magie. La raison, soutenue par une méthode critique et analytique, s’éloigne de la magie devenue suspecte aux yeux des savants.
Cependant les études du merveilleux ne disparaissent pas pour autant. Ainsi Louis de Mailly, romancier français, publie en 1723 les Principales merveilles de la nature. Entre le milieu du XVIe siècle et le début du XVIIIe siècle, le merveilleux n’est pas étudié de la même manière ni pour les mêmes raisons. Néanmoins, Dieu reste à l’origine de toutes choses et « le monde est une espéce de Théâtre où […] les Naturalistes, les Philosophes Chrétiens, & tous les sçavants hommes s’y peuvent aussi produire pour regarder et contempler la Sagesse Divine dans ces différentes créatures » (Préface, p. III-IV). Della Porta proposait bien plus qu’une admiration des merveilles de la Nature en cherchant à les reproduire. Mais Louis de Mailly ne s’est pas aventuré sur ce chemin de la pratique et de la technique. La contemplation de la puissance divine devient pour lui le moyen d’une élévation spirituelle car « Dieu parle aux hommes dans les opérations de la Nature […] & il les invite par-là à le reconnoître & dignement le contempler » (Préface p. XVIII). Ce recueil des merveilles du monde s’appuie sur plusieurs types de sources. Tout comme Della Porta, Louis de Mailly utilise les sources antiques, des sources de référence qu’il associe aux récits de voyages. Ces derniers sont essentiels pour la démarche de Louis de Mailly car ils concernent d’une part les différents continents et d’autre part, utilisés comme témoignages, ils renouvellent le savoir. Qu’il s’agisse de sources antiques ou de sources contemporaines, Louis de Mailly a le souci de la précision ; il ne cesse de rappeler les sources qu’il utilise. Son exposé des merveilles de la nature est clair et méthodique. Il commence chaque chapitre par une introduction dans laquelle il explique les causes des différents phénomènes évoqués. Cette explication est une démonstration scientifique qui recourt aux mathématiques, à la géométrie, aux observations du ciel et des astres. Tel un mathématicien ou un géographe, il met en place une argumentation scientifique et n’hésite pas à exposer différents calculs prouvant ainsi la véracité des conclusions qu’il propose. Viennent ensuite les exemples. Ils sont organisés et classés selon leur localisation. Le lecteur découvre alors que le corail se développe sur la peau des dauphins. Il apprend également qu’en Asie centrale pousse une plante dont le fruit ressemble à un mouton (le borametz). Quand le fruit commence à mûrir, il se recouvre d’une laine fine et frisée, blanche ou noire. Les loups en sont très friands. L’auteur propose ainsi un voyage à travers les continents.
Louis de Mailly considère donc la totalité du monde en s’attachant à montrer les particularités de chaque région. En ce sens il se distingue de Della Porta qui préfère établir des conclusions générales qui pourraient avoir valeur de lois de la nature. Louis de Mailly n’a pas, à la différence de Della Porta, la volonté de transmettre un savoir nécessaire à la pratique de la magie. Son œuvre est plutôt un voyage dans d’autres contrées, une gourmandise pour des lecteurs curieux.

La magie naturelle
La magie naturelle… / Giambattista Della Porta... – Lyon : Charles Pesnot, 1571 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 66)

Parcours standard

La Magie naturelle de Giambattista Della Porta (1535-1615), publiée en 1558, s’inscrit dans une phase importante de l’histoire de la science et de la culture en Europe. Les hommes de la Renaissance ont été les auteurs et les spectateurs de nombreux progrès et bouleversements issus d’un mélange savant entre retour aux sources antiques et approfondissement du savoir médiéval. L’Italie, pays d’avant-garde, a su faire la synthèse de ces expériences. Cette grande évolution a conduit les contemporains vers plus de science et de connaissance, vers une meilleure maîtrise de la nature, vers plus d’amour de la beauté. Mais cette période n’est pas exempte de doutes, c’est un « océan de contradictions », entre mystère et clarté, crédulité et esprit critique. Ces contradictions et ces avancées apparaissent dans l’œuvre de Della Porta.

L’auteur, par ailleurs, incarne l’idéal du savant et du courtisan au XVIe siècle. Ce Napolitain, issu d’une ancienne famille, est un enfant autodidacte. Sa formation est riche, de la littérature à la philosophie, des mathématiques aux sciences de la nature, sans oublier la danse et la musique. Cet apprentissage humaniste a fait naître chez lui une curiosité sans limites. C’est ainsi qu’il publie en 1558 la première édition latine de son œuvre majeure, La Magie naturelle. Il n’a alors que vingt-trois ans. Les phénomènes magiques qu’il étudie ne font pas appel au surnaturel ; ce sont des effets de la nature dont les causes restent obscures. La Magie naturelle est une étude fondamentale dans la vie de Della Porta, un catalyseur de toute sa curiosité intellectuelle et scientifique. Son jeune âge laisse supposer que cette œuvre est le fruit de ses lectures plus que de son expérience. Mais ses voyages et son intense activité lui permettent d’écrire ensuite La Magie naturelle en vingt livres (1589) qui constitue une seconde édition très largement étoffée.

La Magie naturelle se présente comme un manuel de recettes transmettant au mage une science capable de reproduire les merveilles de la nature afin de susciter l’émerveillement. Cette œuvre est en harmonie avec son époque car c’est avant tout une œuvre européenne de par son rôle dans le débat scientifique mais aussi de par sa réception. Cette œuvre, d’abord écrite en latin puis traduite en italien, en français, en hollandais et en allemand, a eu un écho considérable en Europe. Le latin n’est donc plus la langue exclusive du savoir. D’autre part les références aux auteurs antiques sont permanentes, notamment dans le premier livre qui étudie les fondements théoriques de la magie naturelle. Les trois autres livres abordent des thèmes divers. L’auteur étudie aussi bien les plantes que les animaux et leurs rapports avec les hommes. Il explique que les animaux ont des propriétés mystérieuses ; ils font donc partie du paysage magique du XVIe siècle.

Laurine Poinot

Bibliographie :

Balbiani (Laura), La Magia Naturalis di Giovan Battista Della Porta. Lingua, cultura e scienza in Europea all’inizia dell’età moderna, Bern, Berlin, Bruxelles, P. Lang, 2001
 
Delumeau (Jean), La civilisation de la Renaissance, Paris, Arthaud, 1984
 
Mariño Ferro (Xosé Ramón), Symboles animaux : un dictionnaire des représentations et croyances en Occident, Paris, Desclée De Brouwer, 1996
 
Pastoureau (Michel), Les animaux célèbres, Paris, Desclée De Brouwer, 1996