Animal & Identité

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La licorne dans les marques d'imprimeurs-libraires

Marque de Claude Chappelet, libraire à Paris de 1586 à 1648
Du juge des controverses en general. Premiere partie / Jean Gontery. &nd... Afficher la suite de la légende

Marque de Claude Chappelet, libraire à Paris de 1586 à 1648
Du juge des controverses en general. Premiere partie / Jean Gontery. – Paris : Claude Chappelet, 1617 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVIg 1560)

Il succéda à Jacques Kerver (fils de Thielmann Kerver) dont il reprend la marque à la licorne sans même en avoir modifié les initiales.


Marque de Philippe Fievet, actif à Francfort de 1634 à 1649
Observationum et curationum medicinalium affectionumcorporis humani causæ, prognoses & curationes graphicè depinguntur… / Pieter Van Foorest. – Francfort : Philippe Fievet, 1634 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, FAM 1391)

La devise « Nihil in explorato » (que l’on pourrait traduire par « la voie est libre ») renvoie au fait que, dans la légende de la purification de l’eau, les animaux sauvages attendaient que la licorne ait plongé sa corne dans l’onde et en chasse ainsi le poison pour y boire à leur tour.


Une dent de narval
De unicornu observationes novæ / Thomas Bartholin. – Padoue : Giulio Crivellari, 1645 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, FAp 3341)


Marque de Johann Anton Kinckius, Imprimeur-libraire à Cologne de 1647 à 1679
Thesaurus politicorum aphorismorum… / Jean de Chokier de Surlet. – Cologne : Johann Anton Kinckius, 1653 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, HAp 28 A)

Fils et successeur de Johann Kinckius.


Marque de Johann Kinckius, imprimeur-libraire à Cologne de 1605 à 1656
Defensio pro immaculata deiparae virginis conceptione / Ferdinand Chirino de Salazar. – Cologne : Johann Kinchius, 1622 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 7868)

Le texte inséré dans la marque « Dilect’. Me.’ Quemadm. Fili’. Unicorniu. » est tiré du psaume 28 : « mon bien-aimé est comme le fils des licornes».
Aux angles figurent les quatre évangélistes et leurs attributs.
La licorne est aussi l’enseigne de Kinckius comme l’indique l’adresse : « sub Monocerote ». En latin la licorne est désignée sous les termes de monoceros (d’origine grecque) ou unicornus, c’est-à-dire qui n’a qu’une corne.


Marque de Thielman Kerver, imprimeur-libraire à Paris de 1497 à 1522
Extravagantes communes.- Paris : Thielman Kerver, 1505 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 155/3)

Cette marque a la forme courante des premières marques parisiennes du XVIe siècle dans lesquelles deux animaux, en position de supports héraldiques, tiennent un écusson accroché à un arbre, porteur du chiffre et des initiales de l’imprimeur. L’héritage du Moyen Âge est encore perceptible dans le décor rappelant les miniatures enluminées et dans la représentation de la licorne qui tient plus de la chèvre (forme sous laquelle elle était plutôt représentée dans les bestiaires médiévaux) que du cheval. Dans les marques des successeurs, Jacques Kerver et Claude Chappelet, la licorne, assise seule, prend une allure chevaline.


Marque de Balthazar Bellère, imprimeur-libraire à Douai de 1590 à 1639
Historiæ evangelicæ unitas… / Alan Cope. – Douai : Baltazar Bellère, 1603 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 1311)


Marque de Yolande Bonhomme, imprimeur-libraire à Paris de 1522 à 1557
Decretum Gratiani… – Paris : Yolande Bonhomme, 1550 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 158)

Fille de Pasquier Bohomme et épouse de Thielman Kerver dont elle prend la succession à sa mort. Les licornes, tels deux supports héraldiques, sont héritées de la marque de Thielman Kerver, mais dans l’écusson le chiffre et les initiales du défunt époux ont été remplacés par les instruments de la Passion, désignés par la devise « Redemptoris mundi arma ». C’est donc le Sauveur que symbolise ici la licorne, comme la légende de la chasse et de la capture de la licorne symbolise également la Passion du Christ.


Marque de Set Viotti, imprimeur-libraire à Parme de 1545 à 1579
Ragionamenti… sopra l'etica d'Arist. / Agostino Nifo. – Parme : Set Viotti, 1562 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 356)

On distingue un dragon et des serpents dont le venin a souillé l’eau que purifie la licorne en y plongeant sa corne. La devise : « Virtus securitatem parit » - la vertu procure la quiétude - fait référence à la pureté de la licorne.


Marque de Pierre Gaudoul, libraire à Paris de 1508 à 1537
Postilla… / Hugues de Saint-Cher. – Paris : Pierre Gaudoul, 1530 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 72486/2)


Marque de Andreas Cambier, imprimeur-libraire à Heidelberg et Francfort de 1597 à 1620
Italiae illustratae seu Rerum urbiumque Italicarum Scriptores varii, notae melioris… - Francfort : Andreas Cambier, 1600 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVIg 1853)

Parcours standardParcours jeunes
Parcours standard

Dans l’iconographie occidentale, la licorne a longtemps été représentée sous des traits divers et changeants qui ne se fixent que tardivement. L’animal chimérique apparaît dans la plupart des marques présentées (à quelques détails près) sous la forme d’un cheval blanc, avec des sabots fendus, une grande corne au milieu du front, droite, spiralée et pointue, et une barbiche de chèvre.

La première description écrite de la licorne et des légendes qui s’y rattachent fut donnée par Ctésias, médecin grec à la cour perse au Ve siècle avant J.-C. Ont suivi les récits des auteurs antiques Aristote, Pline, Elien, le Physiologus et les bestiaires médiévaux où elle occupa une place prépondérante.

Dans toute l’Europe, les imprimeurs-libraires avaient bien des raisons d’adopter dans leurs marques et enseignes la licorne, de belle et fière allure, symbole de pureté, de puissance, allégorie christique.

Les Pouvoirs de la corne de licorne

Des pouvoirs miraculeux de guérison et de contrepoison universel étaient attribués à la corne de licorne. L’absorption de poudre de corne ou le fait de boire dans un récipient taillé dans celle-ci était censé remédier aux pires poisons et protéger de ceux-ci. Les prétendues cornes de licorne qui se répandirent en Europe durant le Moyen Âge étaient en réalité des dents de narval, ou licorne de mer, rapportées par les marins de l’océan Arctique.

Une légende raconte qu’un serpent, incarnation de Satan, avait souillé les eaux de son venin. Des bêtes sauvages, voulant s’abreuver, attendaient d’abord que la licorne plonge sa corne dans l’eau en y faisant un signe de croix et neutralise ainsi les poisons. C’est cette légende de la purification des eaux qu’illustrent les marques de Philippe Fievet, Set Viotti et Balthazar Bellère, la devise de ce dernier « Venena pello » - je chasse les poisons - explicitant l’image.

Symbolique christique de la licorne

La licorne, sauvage, puissante, était réputée invincible et impossible à capturer vivante. Les légendes antiques et médiévales relatent la ruse utilisée par les chasseurs pour l’attraper ou la tuer. Attirée par l’odeur d’une jeune fille vierge à l’âme pure, l’animal venait poser sa tête sur ses genoux et, confiant, s’endormait, devenant ainsi une proie facile.

Au Moyen Âge, cette légende fut interprétée comme une symbolique de l’Incarnation, la jeune fille personnifiant la Vierge Marie et la licorne, le Christ. La marque de Johann Kinckius en est une illustration. La licorne, agenouillée devant la Vierge Marie, touche celle-ci de sa corne, symbolisant l’Esprit divin descendant en son sein. De cette scène Johann Anton Kinckius, fils de Johann, n’a conservé que la licorne, symbole christique, s’en remettant à la protection divine comme le laisse entendre sa devise « In manibus Dei sortes meae » (Mon destin [est] entre les mains de Dieu).

Licorne et héraldique

A partir du XVe siècle, la licorne se répandit en héraldique où elle symbolisait la pureté, la chasteté, la fuite du vice, la force. Les marques des Kerver, Claude Chappelet, Pierre Gaudoul et Andreas Cambier rappellent les représentations héraldiques. La licorne s’y présente comme support de l’écusson au chiffre et aux initiales de l’imprimeur, ou, plus tard, simplement assise, l’écusson alors attaché à son cou.

La marque de Cambier montre un lion et une licorne s'affrontant. On peut y voir le symbole du combat des forces instinctives de la nature (lion) et de la pureté divine (licorne), ou celui de Dieu contre Satan. Dans la symbolique chrétienne, le lion, figure ambivalente, peut en effet personnifier le Diable.

L’animal chimérique apparaît souvent sous la forme d’un cheval blanc, avec des sabots fendus, une grande corne au milieu du front, droite, spiralée et pointue, et une barbiche de chèvre.

La première description écrite de la licorne et des légendes qui s’y rattachent est donnée au Ve siècle avant J.-C. Elle occupe une place prépondérante dans les bestiaires médiévaux. Dans toute l’Europe, les imprimeurs-libraires avaient bien des raisons d’adopter dans leurs marques et enseignes la licorne, de belle et fière allure, symbole de pureté, de puissance.

Les pouvoirs de la corne de licorne

Des pouvoirs miraculeux de guérison et de contrepoison universel étaient attribués à la corne de licorne. L’absorption de poudre de corne ou le fait de boire dans un récipient taillé dans celle-ci était censé remédier aux pires poisons et à s’en protéger.
Les prétendues cornes de licorne qui se répandirent en Europe durant le Moyen Âge étaient en réalité des dents de narval, ou licorne de mer, rapportées par les marins de l’océan Arctique.

Une légende :
Une légende raconte qu’un serpent, incarnation de Satan, avait souillé les eaux de son venin. Des bêtes sauvages, voulant s’abreuver, attendaient d’abord que la licorne plonge sa corne dans l’eau en y faisant un signe de croix et annule ainsi l’effet des poisons. C’est cette légende de la purification des eaux qu’illustrent les marques de plusieurs libraires du XVIe siècle.

Symbolique de la licorne

La licorne, sauvage, puissante, était réputée invincible et impossible à capturer vivante. Les légendes antiques et médiévales relatent la ruse utilisée par les chasseurs pour l’attraper ou la tuer. Attirée par l’odeur d’une jeune fille à l’âme pure, l’animal venait poser sa tête sur ses genoux et, confiant, s’endormait, devenant ainsi une proie facile.
Au Moyen Âge on a interprété cette légende comme une symbolique de l’Incarnation, la jeune fille personnifiant la Vierge Marie et la licorne, le Christ. La marque du libraire Johann Kinckius en est une illustration. La licorne, agenouillée devant la Vierge Marie, touche celle-ci de sa corne, symbolisant l’Esprit Divin descendant en son sein.

Licorne et héraldique

A partir du XVe siècle, la licorne se répand sur les blasons où elle symbolise la pureté, la chasteté, la fuite du vice, la force. La licorne s’y présente comme support de l’écusson aux initiales de l’imprimeur ou simplement assise, l’écusson alors attaché à son cou.
Sur la marque d’un libraire (Cambier) on montre un lion et une licorne qui s'affrontent. C’est le symbole du combat des forces instinctives de la nature (lion) et de la pureté divine (licorne), ou celui de Dieu contre Satan.


Bibliographie :

Charbonneau-Lassay (Louis), Le Bestiaire du Christ, Paris, A. Michel, 2006

Duchaussoy (Jacques), Le bestiaire divin ou la symbolique des animaux, Paris, Le Courrier du livre, 1973
 
Jossua (Jean-Pierre), La licorne : images d’un couple, Paris, Cerf, 1985
 
Delacampagne (Ariane et Christian), Animaux étranges et fabuleux : un bestiaire fantastique dans l’art, Paris, Citadelles & Mazenod, 2003
 
Pastoureau (Michel), Les animaux célèbres, Paris, Bonneton, 2001
 
Pastoureau (Michel), Traité d’héraldique, Paris, Picard, 1993
 
Benton (Janetta Rebold), Bestiaire médiéval : les animaux dans l'art du Moyen Âge, Paris, Abbeville, 1992