Animal & Fiction

précédentsuivant

Des Animaux femelles dans les Fables d’Ésope : rire, morale, pensée

Le Renard et la cigogne
Aesopische Fabeln für die Jugend… - Prag... Afficher la suite de la légende

Le Renard et la cigogne
Aesopische Fabeln für die Jugend… - Prague, Leipzig : M. Neureuter, 1803 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 70443)

Une édition allemande pour les enfants composée de nombreuses fables, d’auteurs différents, entre autres Ésope. Les illustrations, gravées sur bois, ont été colorées à la main.


Le Corbeau et le renard
Aesopische Fabeln für die Jugend... - Prague, Leipzig : M. Neureuter, 1803 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 70443)

Une édition allemande pour les enfants composée de nombreuses fables, d’auteurs différents, entre autres Ésope. Les illustrations, gravées sur bois, ont été colorées à la main.


Le Renard et le bouc
Aesopische Fabeln für die Jugend… - Prague, Leipzig : M. Neureuter, 1803 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 70443)

Une édition allemande pour les enfants composée de nombreuses fables, d’auteurs différents, entre autres Ésope. Les illustrations, gravées sur bois, ont été colorées à la main.


Le Lion, l’âne et le renard
Aesopische Fabeln für die Jugend… - Prague, Leipzig : M. Neureuter, 1803 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 70443)

Une édition allemande pour les enfants composée de nombreuses fables, d’auteurs différents, entre autres Ésope. Les illustrations, gravées sur bois, ont été colorées à la main.


Le Lion, le loup et le renard
Aesopische Fabeln für die Jugend… - Prague, Leipzig : M. Neureuter, 1803 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 70443)

Une édition allemande pour les enfants composée de nombreuses fables, d’auteurs différents, entre autres Ésope. Les illustrations, gravées sur bois, ont été colorées à la main.


Fable « Les deux rats, le renard et l’œuf » illustrée dans le bandeau
Fables choisies… / Jean de La Fontaine... – Paris : Nyon, 1757 (Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, FAP 2524)

Parcours standard

La Truie et la chienne

Les Fables mettent souvent en scène des débats agressifs entre des animaux femelles dont les caractéristiques sont applicables, par métaphore, au monde des humains et considérés comme naturellement féminins par le public : lascivité, lubricité, impureté, fécondité. Ainsi, pour « La Truie et la chienne » : Une truie et une chienne s’accablaient d’injures. La truie jura par Aphrodite que si la chienne continuait, elle la déchirerait à belles dents. La chienne lui rétorqua que décidément, elle ne savait pas ce qu’elle disait, elle qu’Aphrodite haïssait au point d’interdire l’accès de son temple à quiconque a goûté la chair du porc. « Ce n’est pas de la haine », répliqua la truie, « mais de la prévoyance : elle voulait m’éviter d’être sacrifiée ! » La fable montre que d’un méchant, les dons gracieux sont redoutables.

Ou encore « La Truie et la chienne rivalisant de fécondité » : Une truie et une chienne se disputaient le prix de la fécondité. La chienne affirmait que parmi les quadrupèdes, elle seule avait des portées rapides. La truie lui répliqua : « Çà, tu peux le dire, mais n’oublie pas d’ajouter que tes chiots naissent aveugles ! » La fable montre que les actes ne se jugent pas à leur vitesse, mais à leur degré d’achèvement.

Colombe, corneille, poule, hirondelle … et hyène …

En grec, certains noms d’animaux ont un genre grammatical féminin, et ces figures ne s’opposent pas directement au mâle de l’espèce. Quand il y a discussion, loin de rivaliser dans le même sens, les personnages s’opposent par leur type éthique. Ainsi la vanité de la colombe et le bon sens typique de la corneille, qui prononce elle-même la morale : Une colombe élevée dans un pigeonnier se targuait de sa nombreuse descendance. Une corneille l’entendit se vanter : « Allons, toi ! », lui dit-elle, « cesse de t’en prévaloir : plus tu auras d’enfants, plus tu auras d’esclavages à déplorer. » De même, les serviteurs les plus malheureux sont ceux qui, dans la servitude, ont le plus d’enfants.

Ou bien, dans « La Poule et l’hirondelle » : Une poule avait trouvé des œufs de serpent, qu’elle couva avec soin puis fit éclore. L’ayant vue faire, une hirondelle lui dit : « Pauvre sotte, pourquoi élèves-tu des petits dont tu seras la première victime s’ils deviennent grands ? » De même, la perversité ne se laisse pas amadouer, même par les plus grands bienfaits.

Par ailleurs, dès Aristote, la hyène représente « le trouble dans le genre » : elle change souvent de sexe, comme dans la fable « Les Hyènes », où l’on peut noter l’inadéquation de la morale, tardive, au récit présenté : L’on dit que les hyènes changent chaque année de nature, et qu’elles sont tantôt mâles, tantôt femelles. Il était une fois une hyène mâle qui s’apprêtait à jouir contre nature d’une hyène femelle. Celle-ci lui déclara : « Vas-y donc, mon bonhomme, mais songe que ce sera bientôt ton tour ! » Ceci s’adresse aux magistrats en charge qui demandent des comptes à leurs subordonnés, puis leur en rendent à la suite d’un renversement de situation.

La Renarde

Enfin, la langue grecque implique que le « renard » grec est une « renarde », typiquement gourmande : Un renard affamé avait aperçu des morceaux de pain et de viande que des bergers avaient laissés dans le creux d’un chêne. Il y pénétra et les mangea. Mais comme son ventre enflé ne lui permettait plus de ressortir, il se mit à gémir et à se lamenter. Un autre renard, qui passait par là, entendit ses plaintes et s’approcha pour lui en demander la cause. Lorsqu’il eut appris sa mésaventure :
« Reste donc là-dedans », lui conseilla-t-il,
« jusqu’à ce que tu redeviennes tel que tu étais en entrant : ainsi, tu sortiras sans peine !
».
La fable montre que le temps résout les difficultés.


Et les femmes ?

Les Fables construisent un système de valeurs morales, sociales, psychologiques, qui faisait rire le public, sensible à la parodie, mais, par là-même, confortait ses stéréotypes les plus ancrés. De fait, dans d’autres fables, non animalières, les femmes proprement humaines ne sont guère mieux traitées, ni d’ailleurs les hommes eux-mêmes, voire les dieux. Tous sont ridicules et, par là, font réfléchir.

Michel Briand